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Je propose dans la catégorie : information
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annonce déposée le : 06-04-2012
Par : avi
La révolution quantique
Merci à Muriel pour le lien. Avi


En quittant le vingtième siècle, nous avançons vers un monde incertain. En jouant sur les deux sens du mot échelle, notre intelligence s'est perdue dans de nouveaux paradigmes. D'un côté nous sommes montés dans l'infiniement grand, de l'autre nous sommes descendus dans l'infiniment petit. Nous sommes tombés sur de nouvelles grilles d'évaluation qui ont vu se démultiplier les quantités. D'un seul coup d'un seul, notre univers commun est devenu simultanément beaucoup plus petit et beaucoup plus grand.


Les Mathématiques sont définitivement tombées amoureuses de la physique avec Einstein, et juste après, l'astronomie en progrès exponentiel, en apportant ses observations, a fait exploser nos capacités mentales. Alors que nous nous réjouissions d'avoir résolu le problème central, E= Mc2, cette joie fut de courte durée. La mécanique quantique se mit à déranger énormément Einstein, tout en limitant la portée de ses découvertes. Tandis que nous espérions que l'ouverture à l'immensité nous apporterait des certitudes, elle nous emmena au contraire dans un labyrinthe de possibilités, toutes aussi légitimes les unes que les autres, nous laissant orphelins de la raison. Nos différents types de logique ne suffisaient plus à rendre compte de la création de l'univers. Aujourd'hui même plusieurs théories s'affrontent, toutes aussi pertinentes les unes que les autres, et le fameux « big-bang » n'est qu'un des scénarios possibles. Et qui plus est, des sommités comme J.P Luminet se demandent même si ce ne serait pas pertinent d'envisager un avant big-bang...


Et puis, n'oublions pas que le système solaire a été relativisé, et ramené à des proportions ridicules. Face aux quasars et aux trous noirs, notre« environnement sidéral » est soudain devenu un petit quartier de banlieue. La voie lactée, une anonyme galaxie. Face au vertige, pour nous en venger peut-être, nous nous sommes penchés simultanément sur l'infiniement petit, et là aussi, il a fallu déchanter. Difficile de « savoir ». Ou alors à moitié : la lumière, onde ou particule, pas moyen de combiner les deux choses. Et puis de fil en aiguille, le Réel a continué de se débiner, toujours plus loin encore. Plus on s'imagine le rattraper, plus il s'éloigne, de quoi s'arracher les cheveux. Quelle humiliation pour le mental. Plus il s'approche d'elle, plus la Réalité s'échappe encore comme pour le narguer. D'autant que les clubs de savants n'ont cessé de partir à l'aventure, d'échanger leurs recherches, de comparer leurs conclusions. Et voilà que toutes nos certitudes s'écroulent, depuis Heisenberg et son énorme pavé dans la mare des espoirs naïfs. Les convictions s'effondrent. Aussi bien sur les propriétés de l'univers sidéral, et, naturellement ses limites, que sur les ultimes caractéristiques de la Matière ultra-microscopique.


Ah, comme c'était rassurant d'imaginer une analogie consistante entre le modèle de l'atome et celui du système solaire. Nous en faisions des gorges chaudes jusqu'aux années soixante. Tout tournait en rond, à différentes échelles, autour de centres de calibres variés, et notre tête aussi tournait, ivre d'avoir démystifié le grand secret. Nous avions l'impression de posséder la vérité, les savants arboraient toujours une mine fière et noble, comme s'ils faisaient surgir l'avenir de leurs éprouvettes, de leurs microscopes et téléscopes, de leurs calculs interminables et hermétiques. Nous possédions enfin la vérité — en tout cas celle de la réalité matérielle, et nous avions tendance à nous croire les « rois du monde », à la proue scientifique du grand navire terrien.« Scientifique », ce mot, tout le monde le prononçait avec une intonation quasi religieuse. Les énigmes devaient se soumettre, l'impuissance agoniser, l'ignorance serait terrassée par la démultiplication des pouvoirs de l'oeil et de la raison.


Mais que nenni. L'atome s'est soudain révélé un objet très mystérieux, et peut-être même qu'il n'est plus seul, qu'il n'est plus le centre, ni le modèle de toutes les séries d'agglutinement de la matière. Un tas de particules existeraient bel et bien, qui navigueraient en free-lance, sans but peut-être. Presque indécelables, — et avec un coefficient d'utilité extrêmement difficile à évaluer, on se demande si elles ne tricotent pas des trames furtives à l'intérieur des combinaisons atomiques connues, les traversant peut-être, ni vu ni connu, jouant à on ne sait quel jeu, modifiant des normes qu'on croyait invariables. Les quarks, les bosons, que sais-je encore, jusqu'aux « anges » pour de pures virtualités énergétiques, fort élégantes au demeurant.


L'univers s'échappe à grande vitesse vers l'inconnu, aussi bien dans les grandes largeurs, où s'arrête-t-il vraiment, son expansion peut-elle se renverser, que dans ses intimes recoins: Rien n'empêche d'imaginer que des« choses » puissent se déplacer plus vite que la lumière. Comment, pourquoi ? Cela reste à élucider, parce qu'elles n'auraient aucune masse peut-être, comme le neutrino, et emprunteraient, allez savoir, des trous de vers, qui, en déchirant l'espace-temps, le raccourcirait, se jouant de l'interdiction de rouler à plus de trois cents mille kilomètres seconde. Einstein était très embêté par cette question. La vitesse indéformable de la lumière donnait une cohérence parfaite à l'ensemble de la physique, et partant, à l'image globale de l'univers encadré par un ordre imprescriptible et... Connu !( Dieu ne joue pas aux dés). Mais si cette « constante » n'en est plus une, ou bien si elle dissimule d'autres facteurs qui compromettent la théorie unitaire, tout est à refaire. De patentes contradictions, inconciliables pour le moment, sont peut-être complémentaires dans une nouvelle théorie qui manque aujourd'hui, et rassemblerait sans déchirure toutes les vérités de la physique, qui aujourd'hui encore s'affrontent et s'excluent bêtement. Il y a des fissures dans la vision globale. Alors, il faudra désormais donner des ailes à l'imagination pour qu'elle se rapproche autrement de ce qui semble réel. La théorie des cordes superpose des dimensions, combine des principes d'une manière extravagante, et nous patinons intellectuellement pour nous rapprocher de ce nouveau paradigme, par son degré d'abstraction et de complexité. Difficile à valider, le détruire ne permettrait pas pour autant de le remplacer. Autant dire que les hypothèses se portent bien concernant le fin du fin de la réalité de la Matière, et elles se concurrencent.


Et si nous ajoutons à cela que certains pensent que les électrons sont remplis de mémoires, comme un célèbre physicien français, et voilà que nous en sommes réduits, question science, à faire des pâtés dans le sable, comme les enfants sur la plage. Une théorie chasse l'autre. Une direction prometteuse en oublie d'autres. Une avancée clôt une question épineuse enfin résolue, mais ouvre sur plusieurs nouvelles portes qu'on aimerait pousser en même temps. Les théories font un défilé de mode pour une poignée de spectateurs qui peut suivre leur démarche altière et sophistiquée, et parler un jargon que moins de mille personnes sur terre partagent. Les plus ouverts avouent sans vergogne qu'ils pataugent, qu'ils ont renoncé au définitif, et se contentent de petits progrès successifs, ce qui n'est déjà pas si mal. Les énigmes fondamentales les narguent.


L'énergie noire doit se trouver quelque part, mais où, pour expliquer certaines mesures. Sans elle, l'ensemble ne tiendrait pas la route. L'antimatière, où se cache-t-elle ? Pourquoi la gravitation équilibre-t-elle l'espace, alors qu'elle n'est pas grand chose ? (Construire des engins antigravitationnels est déjà, ou presque, à portée de la technologie). De question en problème, l'ouverture aux deux infinis ne résoud strictement rien, ni le mystère de la vie, ni celui de l'étendue de l'espace, ni celui de la rapidité du temps, avec cet étalon-lumière. Plus les mesures s'affinent, plus elles en appellent d'autres. Il fut une époque où le millimètre était petit, le voici devenu gigantesque, il se passe peut-être quelque chose dans le volume ou le point d'un micron.


Il serait temps de comprendre que la résistance de la Réalité à finir en équations et en quota, et même en quanta virtuels, est légitime. La réalité proprement dite n'a jamais eu besoin de représentations pour exister. Autrement dit, les soleils peuvent très bien se déployer sans savoir à quoi ils servent, sans se demander s'ils mourront. Et les atomes peuvent se combiner entre eux parfaitement bien sans pour autant poursuivre le moindre but. Ou bien, dans un univers dans lequel rien n'est séparé de rien, leur trajet évolutif se fait automatiquement, et la Matière apprend à se spiritualiser, comme la vie l'indique, en faisant émerger de nouvelles structures.


Les représentations servent à nous guider. Les plus fondamentales sont les codes sociaux, puis elles se sont diversifiées, jusqu'aux dogmes scientifiques, politiques, économiques et religieux. Elles sont toujours plus ou moins acoquinées avec des « valeurs »,parce qu'elles se veulent être des points de repère fiables face à l'entropie. Et elles s'imaginent, naïves, qu'elles peuvent durer... Mais nous sommes bien les seuls à demander à être guidés. Les galaxies s'en foutent et s'éloignent de toute façon, les molécules s'arrangent toutes seules « intuitivement » en quelque sorte, et sans subir le moindre débat, les particules tolèrent leur indétermination. Les animaux suivent leur instinct et n'aiment pas délibérer, sauf peut-être ceux qui rêvent déjà de l'atermoiement propre au primate debout, parce qu'ils le côtoient. Les chiens, par exemple, sont fiers, quand ils se paient le luxe d'hésiter: le mental vient les frôler !


Il n'y a donc quel'homo sapiens sapiens qui éprouve le besoin de se fabriquer les petits miroirs des représentations pour décider de son chemin. Il produit ainsi des lois qui enserrent et contraignent des espaces à se séparer les uns des autres, et qui mettent hors-la-loile hasard, sans succès évidemment, mais on continue quand même pour la beauté du geste de vouloir tout contrôler. Héraclite, Tchouang-Tseu et enfin Henri Bergson ont pourtant définitivement établi que le temps pond des possibles à chaque seconde, sans répit, que les bifurcations se chevauchent à toute vitesse. Qu'il est donc vain de chercher les millions d'œufs des faits qui se cachent dans le défilement continu de la durée, ou de vouloir s'emparer des innombrables métamorphoses des mouvements se mélangeant entre eux. Saisir le mouvement, non, s'y faufiler peut-être.


Le temps se déroule et il déploie nécessairement l'indéterminé, affirme Henri. Les semences pleuvent, les circonstances s'enchevêtrent, les causes convergentes coulent vers des abîmes de faits nouveaux, d'occurences inattendues, de combinaisons inévitables. Autant dire, en transposant, que les lois morales, sociales, politiques, sont vouées à l'échec parce qu'elles méprisent l'indéterminé, ne prévoient pas les dommages collatéraux du hasard, butent sur le surgissement du neuf, oublient la péremption de la règle, passent à côté de la spirale émergente, ce processus qui produit un effet supérieur à l'action de toutes les causes en présence et les transcende. L'idée de se débarrasser de l'accident et de l'occasion, qui surgissent des combinaisons aléatoires des événements, pour planifier la vie humaine et l'enfermer dans des structures inamovibles, constitue la tentation permanente des cultures pour faire face au destin. Etablir et s'y tenir. Comme si le présent était une menace parce qu'on ne sait pas où il mène ! Même la physique voulait savoir à tout prix, mais depuis un siècle, elle a dû rabattre ses prétentions. C'est le mental aujourd'hui qui est contraint de reconnaître ses limites, ou d'être de mauvaise foi. Avec la symbolique que toute intelligence peut tirer de l'effet papillon, il faut aujourd'hui désirer demeurer stupide pour continuer de croire que l'avenir peut être prédit.


La réalité résistera à l'esprit tant qu'il ne la fera pas sienne, tant qu'il voudra qu'elle ne soit qu'un objet, alors qu'elle est tout sauf un objet. Elle est le Tao, le grand ordonnancement, elle est Dieu, ou bien la cause première, ou l'univers illimité, ou encore l'Etre suprême: la voir comme un objet, c'est décider qu'un cube n'a qu'une seule face, et s'acharner à le caractériser par cette seule surface. Voir la réalité comme un objet, — ce qui est propice bien sûr à créer un éventail de représentations fragmentaires, c'est d'abord et avant tout oublier qu'on en fait partie.


Et s'imaginer naïvement qu'on peut s'en abstraire pour l'observer.


Mais nous savons depuis peu que le regard de l'observateur modifie l'expérience. Bohr, Heisenberg, Shrodinger ont porté l'estocade. Confirmé Tchouang-Tseu par le chemin des écoliers de la pensée logique, plus de deux mille ans plus tard. Si tout nous échappe aujourd'hui, si tout s'échappe,—autant dans la science devenue religieuse que dans la politique devenue économique, c'est tout simplement que notre territoire est beaucoup plus vaste que ce que nous imaginions un siècle en arrière seulement.


La révolution quantique est en marche.


Plus aucune perspective ne pourra plus être totalitaire, et séparer le réel du réel, sous prétexte que nous pouvons le découper en zones étanches les unes aux autres. Le « contrôle » a échoué (politique, économique, moral), il faudra bien se résoudre, pour survivre, à prendre le chemin de la coïncidence, de la synchronicité, de l'harmonie. L'homme moderne veut embrigader les centaines de millions d'emboîtements des forces universelles entre elles dans un petit paquet conceptuel, mais il doit maintenant s'y prendre autrement. La folie des grandeurs du Mental ne l'a mené nulle part. En dépit de toutes les mises en scène de ses projets historiques, en dépit de ses prétentieuses découvertes, l'homme reste infiniement blessé par son impuissance à maîtriser correctement le temps. C'est que, pour faire corps avec lui, il convient de ne pas l'amputer de ce qu'il apporte d'indéterminé à chaque seconde, car c'est là que la grâce fonctionne. Là que l'intuition souveraine inspire. Quand l'esprit est libre de tout contrôle, présent au lieu d'être projeté en avant dans quelque projet, il reçoit le chuchotement bienveillant de l'univers, et, bien qu'avançant vers aucun point précis, il marche avec l'ensemble, sans heurts, sans tambour ni trompette, sans même vouloir se rendre où que ce soit, puisque tout est là, rassemblé dans l'ouverture exhaustive, le souffle qui donne. Si tout se répond au micron près et à la nano-seconde près, — l'étanchéité n'existant tout simplement pas dans l'univers quantique, nous sommes encore loin d'une seule approche qui combinerait l'astrophysique et la nanophysique, séparées toutes les deux par la biologie et ses effarents mystères, dont le plus redondant est celui de l'embryogenèse: 1 spermatozoïde + 1 ovule + 9 mois = 1 bébé !


Des transformations atomiques à l'expansion des galaxies, il n'y a pas lieu de supposer qu'il y ait le moindre interstice, que les univers soient indépendants les uns des autres. Mais le Mental rechigne à oublier ses calculs (de simples projectiles) pour se fondre dans l'illimité, sans aucun mode d'emploi. Et pourtant, certains l'ont dit, qui ont laissé des traces. Oubliées, ou réservées aux questionneurs d'abîmes. Pérennes, ils obnubilent, envoûtent, ou font école, ceux qui ont transgressé la tyrannie de la pensée. Et bien avant Heisenberg, ils avaient compris que le combat entre les certitudes et les incertitudes était voué à l'échec. Ils se sont postés au-delà du oui et du non, dans un consentement absolu, qui peu à peu a eu raison des nerfs agités, des émotions duelles, des pensées qui, pour mener quelque part, doivent éliminer tout le reste. Ils ont rejoint l'unité insécable, si totale, si absolue que lui donner un nom, c'est déjà la perdre de vue.


Le Tao que tu dépeins n'est pas le premier ordonnancement.

Lao-Tseu

 

Bien sûr, il est nécessaire de pouvoir imaginer l'infinitésimal et ses réseaux de transformations spontanées pour parvenir à cette conclusion, mais c'est justement l'un des objets de la mécanique quantique, — l'interaction absolue. Dans l'immensité, tous les rapports qui existent entre le vide et les corps sont multiples. Les« objets » qui émanent et ceux qui attirent se dispersent, ceux qui donnent de l'énergie et ceux qui semblent la manger, comme les trous noirs, « obéissent-ils » aux règles que certains aimeraient bien inventer à défaut de découvrir ? La flexibilité de ces lois est telle qu'elle ne peuvent donner, en toute logique, que sur des cas particuliers, grossièrement inféodés aux mêmes règles. L'astro-physique, comme tout le reste, n'échappera pas au développement exponentiel de la complexité, nécessitant de nombreuses théories aux champs d'application fort limité pour chacune.


Comme dans le jeu d'échecs, dans lequel le nombre de parties est illimité alors qu'on suit exactement les quelques règles fort simples à chaque nouvelle confrontation. Obtenir donc des modèles dynamiques de la réalité, ce qui est grosso-modo l'objet de la physique, qui aime investir toutes les transformations possibles de la Matière, a jusqu'à présent donné des résultats fiables dans le monde assez carré de notre vie humaine. Au-delà, l'Infini règne. S'acharner à considérer qu'une vision intellectuelle juste des lois de l'univers ouvre les portes de la conscience, et met le meilleur avenir à notre disposition, voilà la nouvelle illusion dont nous devons faire le deuil. La réalité, de toute façon, nous glisse entre les doigts, quels que soient les noms qu'on lui donne. Tant mieux pour les quelques progrès, et encore! Le développement anarchique de la chimie industrielle a contaminé le sang de la terre, aujourd'hui empoisonnée. La physique a percé le secret de l'atome, et la bombe atomique a suivi. Les illusions futures qui procèdent du même mental gourmand tendent à imaginer des croisements de cellules nerveuses avec des circuits nanotechnologiques. L'apprenti-sorcier meurt et ressuscite tour à tour, aveugle au suprême secret de l'intelligence: transformer le « sujet » lui-même, comme n'ont jamais cessé de le chanter les « sages » de l'Orient, et quelques saints exemplaires bien de chez nous.


La complexité ne peut cesser de se dévoiler. Plus on la reconnaît, plus on l'approche, plus elle révèle de nouvelles combinaisons, structures et processus. Et il n'y a pas de raison que cela s'arrête. Et quand cela est compris et intégré, le mental ne part plus à la pêche de la vérité extérieure, mouvante, éphémère, accordée aux lois des cycles, aux us et coutumes des hommes alentour, accordée au passé. La révélation d'une vérité intérieure se fait jour, qui n'aura plus besoin « d'explications » pour trouver son chemin. Etre, c'est être au diapason du Tout, et pour cela, il est nécessaire bien longtemps de cesser de vibrer au seul diapason des ambitions, ou des objets de prédilection gratifiants. Quand ce chemin se poursuit, une indignation peut survenir.


Cela vaut-il vraiment la peine de dépenser des milliards dans des cyclotrons, pour créer des particules qui « vivent » une milliseconde ? Des fusées d'exploration, pour quoi faire ? Pour fuir l'exploration du cœur, de la générosité, de la solidarité humaine-terrestre. Le développement spécialisé d'une certaine recherche ne constitue-t-il pas une fuite en avant destinée à cacher sous le tapis les vrais problèmes de l'homos sapiens sapiens ? La paupérisation des masses, la pollution industrielle et le réchauffement climatique, la fragilité des démocraties, l'erreur partielle de la compétition économique, l'anarchie financière ? Après tout, qu'il s'agisse des investigations scientifiques qui établissent avec amertume que l'incertitude constitue le modèle le plus approprié du mouvement initial, ( « contrôler »n'est pas une mince affaire dans l'infinitésimal), ou qu'il s'agisse du monde historique, le même type de recherches échoue systématiquement. Auguste Comte s'est trompé autant que Karl Marx. L'avenir est indéterminé, et le piéger dans des équations, des lois ou des règles, dans des codes ou des impératifs, c'est se moquer de la réalité: Elle ne se laisse pas mettre en boîte. Elle va trop vite pour cela. Elle entrelace des millions de paramètres qui se combinent et provoquent des dommages collatéraux autant que des émergences inattendues. La réalité historique est imprévisible, de la même manière que le principe d'incertitude régit le potentiel éphémère et toujours renouvelé de l'infime réalité insécable.


Nous devrions donc tirer des leçons du vingtième siècle, et renoncer à l'arrogance de la pensée.


La première serait de relativiser le pouvoir des découvertes. Elles n'ont qu'un impact limité, le plus souvent récupéré par le pouvoir en place. Autrement dit, l'intelligence n'est pas libre. Elle est surveillée de près par le politique, elle doit servir tout d'abord l'armée et la Défense, puis le profit. D'où les irrémédiables perversions comme la bombe atomique, les recherches paranormales dans les services secrets, les laboratoires qui fabriquent des virus, la surveillance technologique absolue, un scénario fort plausible sans le réveil des masses ou de grandes catastrophes.


La seconde leçon serait de relativiser le pouvoir des représentations, qui sont toutes, à différentes échelles également, de la loi tribale à la théorie du big-bang, des modèles de la réalité. Qui tour à tour ont imposé leur dictature aux peuples. Dictature de la loi de l'Eglise, puis dictature de la Raison, enfin la dictature de la Finance mondiale, qui elle aussi repose sur la représentation de l'économie, comme alpha et omega du progrès universel. Mais, me direz-vous, si les représentations s'effondrent, qui nous guidera ? Je vous demande d'abord de répondre à cette question: quelles représentations nous ont-elles guidé dans la bonne direction ?


La morale, la religion, la Science, la démocratie ? Autant de systèmes bien ficelés qui ordonnent chacun une conduite et un ensemble de croyances. Voyez-vous vraiment du progrès de l'arc à la Kalachnikov, du sabre au missile ? Quelle avancée, des dix commandements de Dieu à la dictature du prolétariat ? Du poisson frais au surgelé ? N'y aurait-il pas seulement une efflorescence du même pouvoir, une expansion brute de la même chose, dénuée de tout caractère évolutif ? De simples substitutions qui maintiennent le même ordre exactement: la guerre pour les armes, des plus primitives aux plus sophistiquées. La manipulation de l'homme par l'homme, des multiples décrets divins aux innombrables ismes qui sévissent encore. L'adoration de l'alimentation, du simple troc de denrées aux hypermarchés qui, rendant l'obésité obligatoire, sont indirectement au service des industries pharmaceutiques, des multinationales de la distribution et des chirurgiens esthétiques.


Certes, les représentations évoluent, et depuis qu'elles ont incorporé la complexité dans leur déploiement, elles deviennent à la fois plus précises et plus limitées. C'est à la conclusion à laquelle sont arrivés de brillants physiciens, avec la question de cerner le champ d'application exact d'une théorie, souvent bien moindre que prévu, d'autres paradigmes empiètant dans le cadre convenu. C'est à cette conclusion également que parvient Edgar Morin, thuriféraire d'une philosophie du cœur, et qui se garde de recommander la moindre généralisation, alors qu'il continue d'espérer, contrairement à d'autres, en particulier les éveillés de la non-dualité, que les«systèmes » seront un jour efficaces pour guider l'approche de la réalité, afin d'améliorer le politique. Enfin, l'extrême compexité a été commentée en long, en large et en travers par Sri Aurobindo dans la vie divine, puisqu'il affirme que tous les plans de conscience transcendantaux peuvent s'épauler, correspondre à différents types d'approche, et qu'ils n'ont pas à être séparés de la réalité sensible et phénoménale: la Matière étant de l'énergie sous une forme dense, qui lui donne l'apparence de la stabilité. Il s'ensuit une vision d'ensemble époustouflante et confondante, qui donne un champ de réalisations infinies à l'Esprit, notre source cachée. Un moyen simple et efficace, cette lecture, de prendre du recul sur l'Histoire qui, plus que jamais, déçoit.


L'ultime leçon à tirer du vingtième siècle, c'est donc que les représentations ne sont que des représentations: il demeure impossible de prévoir leur pouvoir dans le monde phénoménal. Quant aux nouvelles représentations, leur but est justement de connaître leurs propres limites d'application, ce qui commence, enfin! — à sourdre dans le développement des études sur les systèmes complexes, aussi bien que dans les transmissions des « nouveaux éveillés ».Ceux qui préfèrent témoigner plutôt que développer des modèles de saisie de la réalité intérieure ou extérieure. Avons-nous encore le temps de nous libérer des représentations tyranniques et totalitaires, autant de celles qui, quelles que soient leur beauté, ne donnent strictement aucun mode d'emploi de la réalité alors qu'elles feignent de produire des pistes ? Oui, en consentant à l'Indéterminé, le fossoyeur du passé.


Natarajan
Shanghai,
Décembre 2011.

 

http://www.supramental.fr/supramental_journal_recherche.php#dec2011

 


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Cette page, mise en ligne le 06-04-2012, a été consultée par 787 visiteurs
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