Dans le cadre du changement historique de référentiel actuellement en cours, il est essentiel de se focaliser sur le réel, en s'attachant uniquement aux indicateurs et informations provenant, d'une part, des activités économiques (et non pas des activités financières), et, d'autre part, des opérateurs économiques eux-mêmes (et non pas des gouvernements ou des lobbies).
En effet, comme analysé en introduction de ce GEAB N°35, le changement de référentiel en cours, lié aux formidables manipulations de l'ensemble de la sphère financière depuis une année, a fait perdre toute fiabilité aux indicateurs financiers et/ou aux indicateurs censés évaluer l'état des acteurs du monde de la finance. Que ce soient les déclarations des banques sur leurs profits en cours ou à venir, sur l'état de leur solvabilité, sur la valeur de leurs actifs, les indicateurs sur l'état de tel ou tel marché de produits financiers,… l'ensemble du monde de la finance raconte aujourd'hui n'importe quoi pour essayer de se sauver lui-même. De toute façon, les fondamentaux des marchés financiers sont tellement manipulés actuellement pour éviter à tout prix de nouvelles faillites que, selon LEAP/E2020, plus personne ne comprend exactement ce qu’il s'y passe. Une seule chose est certaine : s'il n'y pas de reprise économique avant la fin de l'été 2009, l'ensemble de ce château de cartes va à nouveau s'effondrer puisque toutes les stratégies privées et publiques mises en place depuis un an sont fondées sur cet espoir. Un espoir absolument vain selon notre équipe. En tout cas, surtout, restez hors du secteur financier !
Pour ce qui est des états et autres autorités de contrôle, ils ne comprennent en fait pas grand-chose non plus et se contentent de courir après les besoins des banques en capitaux tout en manipulant tous les indicateurs disponibles afin de faire croire aux acteurs économiques et aux opinions publiques que le pire est derrière (1). Un bon exemple de manipulation d'opérations de contrôle est fourni par le « stress test » des banques américaines ou celui à venir des banques européennes (2). L'objectif était de faire croire que tout allait presque pour le mieux et, sans rougir de l'évidente manipulation, c'est la conclusion qui en a été tirée sans pour autant convaincre personne d’ailleurs.
Mais, au-delà des indicateurs financiers, les états triturent de plus en plus les chiffres officiels du chômage dont, en général, tous pays confondus, notre équipe estime qu'ils ne reflètent plus que 50% à 70% de la réalité en matière de pertes d'emploi. Plus la situation va s'aggraver, plus cet écart avec la réalité va s'accroitre car les politiques et les bureaucrates préfèrent toujours mentir que reconnaître qu'ils échouent. Ils se convainquent de la légitimité d'une telle attitude en se disant qu'il faut « gagner du temps ». Pourtant, en matière de chômage, ils sont les victimes de leur propre communication. En effet, on a vu se multiplier les affirmations définitives d'économistes patentés (qui en général ont découvert la crise et sa gravité quand les grands médias en ont fait leur titre) assurant que le taux de chômage est un indicateur décalé dans le temps, un « indicateur attardé » en somme. C'est une affirmation très intéressante, et probablement vraie dans les crises « classiques », non systémiques, mais, en l'occurrence, dans le cas de la crise actuelle, c'est faux. L'ampleur et la rapidité de la montée du chômage ont construit une vague immense, destructrice de consommation, d'investissement, d'emplois qui ne va commencer à se faire sentir aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, dans la zone Euro, au Japon et en Chine qu'à partir de l'été 2009. Cette fois-ci, le chômage ne sera donc pas un indicateur attardé, mais bien un indicateur avancé car il génère sa propre phase de la crise (3).
En résumé, suivez les évolutions du commerce international, les résultats ou prévisions des transporteurs et producteurs dans les secteurs-clés : métallurgie, électronique, matières premières,… Ne vous attardez pas trop sur les services car ils ont une tendance naturelle à être difficilement quantifiables en dehors des résultats d'exercice. Or, et c'est l'une des réalités de ces derniers mois, un grand nombre d'entreprises, notamment aux Etats-Unis, ont essentiellement diminué leurs coûts pour essayer de faire bonne figure. Sans ces réductions de coûts, elles auraient eu des résultats bien pires. Attendez-vous à les voir arriver dans les mois à venir.
Dernier indicateur à toujours garder en-tête : les grands équilibres. Ils permettent d'anticiper le sens des évolutions. Par exemple, dans le tableau ci-dessous qui détaille les montants d'actifs gérés par des opérateurs financiers, on peut avoir une bonne estimation de la richesse mondiale en termes d'actifs. Si on met ces chiffres en parallèle avec celui des « actifs-fantômes », 30.000 milliards USD selon les dernières estimations de LEAP/E2020, on constate que la crise en cours va supprimer purement et simplement environ 30% de la valeur des actifs du monde entier. Comme les estimations actuelles indiquent qu'au maximum 10.000 milliards d'actifs se sont envolés en fumée, on peut en déduire que nous ne sommes qu'au premier tiers de la crise.